Dans notre imaginaire, les parcs d’attractions trônent dans le vaste royaume du loisir. Si nos mémoires d’enfants gardent de précieux souvenirs de nos escapades dans des parcs franciliens, nos mémoires d’adultes regardent ailleurs. A ces offres historiques s’est ajoutée une multitudes d’offres de divertissement hors et dans la ville.
Du karting à l’escape game, on fait le point sur les mutations du loisir avec Vincent Philippe. L’occasion de découvrir un peu plus le fondateur du média spécialisé dans les loisirs urbains, Funfaircity !
D’où te vient cette passion pour les parcs d’attraction ?

V.P : Je suis né dans les années 80 et donc un peu un enfant de la génération de Disneyland Paris et des autres parcs d’attractions créés à cette période ! J’ai toujours été un grand fan de parcs d’attractions. J’ai grandi avec leur histoire, leur image marketing et des souvenirs de leurs visite. Je pense que ça m’a beaucoup marqué.
Quand j’étais étudiant, une grande partie de mon budget était consacré aux visites des parcs français et européens avec des amis, fans ou non. Je faisais partie des premières communautés internet sur les forums à en discuter. Typiquement le premier mot que j’ai dû taper sur Altavista (moteur de recherche de l’époque) c’était « Roller Coaster » ! J’ai aussi beaucoup joué Roller Coster Tycoon, forcement ! Aujourd’hui je dois en être à 90 parcs visités sur 3 continents mais j’espère continuer à en découvrir d’autres !
Quels sont les parcs que tu as préférés ?
V.P : Pas simple comme question, il y en a tellement ! J’aime beaucoup Europa Park, un parc et des attractions d’excellente qualité. Liseberg, en Suède, est très bien car en plein centre-ville avec des attractions très impressionnantes compte tenu de cette situation. Alton Tower au Royaume-Uni dispose d’un cadre très propice à l’immersion historique et romantique car construit autour d’un château en ruine. Sans surprise il y’a aussi des parcs Disney avec surtout Tokyo DisneySea – qui m’a le plus marqué – et puis en Floride Animal Kingdom – sans doute le parc le plus original des créations Disney.

Qu’est-ce qui te plait le plus dans ces parcs : les sensations fortes ou les ambiances magiques ?
V.P : Autant l’un que l’autre ! j’adore les grands huit mais je ne recherche pas forcément à outrance la sensation forte. J’adore aussi les décors et l’atmosphère, l’histoire que l’on va raconter. Quand on arrive à assembler les deux c’est la meilleure des réussites. C’est pour cela que j’ai beaucoup aimé le monde Pandora (Disney’s Animal Kingdom). C’est un univers incroyablement immersif, et en plus une attraction unique et très réussie !
Au départ, tu as pourtant choisi de ne pas travailler pour le secteur du loisir malgré cette passion ?
V.P : C’est vrai ! La plupart de mes amis passionnés ont rejoint l’industrie des parcs mais je voulais découvrir un autre univers professionnel. Je m’en suis donc un peu éloigné pour travailler dans l’univers de la ville, et les parcs sont restés un hobby sur mon temps libre, rien de plus. Je travaille aujourd’hui dans l’aménagement urbain pour accompagner le développement de la métropole de Bordeaux.
En 2017 cependant, j’ai eu un déclic. J’ai réalisé le rêve de tout fan de parcs d’attraction : Orlando ! C’était un voyage inoubliable. Je pense que les univers Harry Potter des parcs Universal ou encore le land Pandora m’ont marqué à vie. Ça m’a donné envie de m’y reconnecter.
De là est né Funfaircity?
V.P : D’une certaine manière oui ! D’un côté, je me suis remis sur twitter, je me suis reconnecté à plein d’anciens copains et j’ai cherché de nouveaux médias sur lesquels trouver de l’information. Cela ne manquait pas ! Et de l’autre côté, je remarquais qu’en ce qui concerne la ville, rien n’existait pour raconter le développement des loisirs, ou alors de manière très éclatée. Un peu sur les escape games ici, un peu sur les attractions indoors, le sport ou encore la culture… Mais rien qui rassemble le tout d’un point de vue urbain.
J’ai eu d’abord envie d’écrire, et de là est né Funfaircity que j’ai voulu comme la réunion de mon métier pour la ville et de ma passion pour le divertissement. Avec ce média, je peux mettre en lumière cette industrie, communiquer sur des expériences et des lieux incroyables et surtout rencontrer de nouveaux professionnels passionnés. Depuis peu, je parviens à apporter cette expertise dans une optique de conseil auprès des acteurs de la ville et de l’immobilier qui s’intéressent au sujet. C’est un peu devenu un second métier sur lequel je suis assez libre.
Dernièrement, j’animais par exemple la table ronde sur l’état du divertissement français au MAPIC/LeisurUp 2020 ! C’est encore une activité en démarrage, mais qui me passionne !
Peux-tu nous retracer un rapide historique du loisir urbain ?
V.P : Hors lieu de commerce et de restauration et si on reste dans une histoire plutôt récente, les principaux lieux du divertissement dans les centres urbains sont les cinémas et les théâtres.
Dans les années 70/80, on a vu de nouveaux acteurs investir la périphérie des centres villes. C’est le cas du karting et du bowling, qui ont besoin de beaucoup de mètres carrés pour exister. Le laser game a suivi, dans les années 90.
En 2013 il y a eu un véritable tournant avec l’arrivée de l’Escape Game. Ce format a montré qu’on pouvait avoir d’autres loisirs en centre-ville que le cinéma et le théâtre, le bar ou le restaurant ! Le concept répondait à une vraie demande de loisir coopératif tout en étant compatible avec une contrainte d’espace et de loyer associé. De nouvelles vocations se sont créés avec une envie d’entreprendre et de changer les loisirs urbains. A partir de ce moment-là, on a l’impression les lieux loisirs dans les villes se sont multipliés et diversifiés.
Ces acteurs arrivent-ils aujourd’hui à se renouveler ?
V.P : Si on prend le karting, c’est l’exemple type d’un loisir qui avait besoin de se réinventer. C’est aujourd’hui bien avancé avec le karting électrique, moins bruyant et polluant. Il est beaucoup plus urbain et peut être associé à des restaurants ou des bars, il y a même parfois des karting interactifs type « Mario Kart » qui font leur apparition comme Battle Kart. Ça répond désormais bien mieux aux attente du public qui désire s’amuser et passer un bon moment et non seulement gagner une course ! Bowling et Laser Game connaissent des évolutions similaires. J’en parlais dans ma série du moment sur les divertissements urbains classiques et leurs innovations.
De même, les murs d’escalade fonctionnent très bien car ils montrent qu’un lieu de pratique a su se transformer en lieu de vie. On y vient entre amis ou en famille autant pour le sport, que pour bruncher ou parfois même profiter du sauna. Quelque part, c’est en fait l’apparition de lieu multi-activités qui permettent à chacun d’y trouver son compte, et surtout de proposer une expérience globale.
Le numérique offre de nouvelles opportunités pour se renouveler. Pourtant on sent que le divertissement c’est encore quelque chose de très physique, très réel ?
V.P : C’est encore plus évident avec le covid-19 ! On a tous envie de décrocher des écrans, de se retrouver avec nos proches dans des lieux réels, et de s’émerveiller ensemble ! Il faut se réinventer, même dans des acteurs traditionnels pour proposer des expériences de qualité.
Les expériences immersives : est-ce quelque chose qui intéresse les acteurs traditionnels du divertissement ?
V.P : Le terme d’immersion, on le retrouve vraiment partout ! Depuis le dernier hôtel Star Wars à Disneyworld (Orlando), en passant par l’Atelier des Lumières, ou encore les escape games. C’est un terme générique maintenant très utilisé dans le divertissement. Mais c’est logique. Cela va dans le sens de transcender son expérience, d’aller au-delà du seul visuel et de vivre pleinement son instant. Et aujourd’hui il y a énormément de moyens mis en place pour nous transporter dans des univers magiques et autres que la réalité. – pour aller plus loin, n’hésitez pas à relire notre article sur l’immersion et les parcs d’attraction.
Les reproductions des univers d’Avatar ou d’Harry Potter m’ont vraiment transporté dans une autre dimension. Une nouvelle réalité, cohérente, crédible, et dans laquelle tu ne penses plus au quotidien. L’immersion est donc un des critères de qualité à regarder.
On sent que le poids du licensing joue beaucoup : Astérix, Disney, Universal studio, etc… est-ce encore possible aujourd’hui de créer de nouvelles attractions sans recourir aux licences phares ?
V.P : C’est plutôt le modèle américain qui est aujourd’hui très porté sur un modèle de licence ! Cela permet de se différencier et d’attirer rapidement les foules mais ça coûte très cher. The Void est la preuve que ça ne réussit pas toujours (cf. l’article de Protocol sur le sujet pour aller plus loin).
En France, et en Europe, il existe un savoir-faire pour créer des expériences originales. Il n’y a qu’avoir la production Toy Land de Backlight par exemple. C’est un joli hommage à l’univers de Toy Story mais ça va bien plus loin que ça et c’est une expérience très complète avec des sièges dynamiques ! Du même studio, Ice Cube Protocol jouable chez Koezio, c’est aussi super original.
La licence n’est donc pas une obligation, à condition de trouver un angle intéressant et qui va proposer une expérience que l’on ne peut pas reproduire chez soi !
On a l’impression que si le loisir évolue, il évolue vers des installations de plus en plus extrême ou sportives – et finalement on voit peu de choses autour de divertissement plus doux – ou plus artistique – une raison selon toi ?
V.P : C’est vrai. Le loisir doit aussi créer le spectacle ! Il faut que ça nous déconnecte, qu’on s’y amuse en même temps qu’on regarde les autres le faire ! Créer le spectacle, ça veut aussi dire qu’on propose une expérience aux participants… mais aussi aux autres visiteurs ou simplement aux passants, pour leur donner envie d’essayer ! On voit typiquement dans les murs d’escalades les grandes baies vitrées qui permettent à tout le monde de voir les gens grimper… Les expériences « sensationnelles » se donnent à voir et travaillent naturellement leur image.
On entend dire que le divertissement français se porte très bien … et pourtant il manque toujours de l’investissement pour créer des attractions à la AREA15 ?
V.P : Structurellement c’est évident ! Le coût du loyer, des ressources humaines et les modèles d’opérations ne sont pas les mêmes. On ne peut pas répliquer ces modèles. La question que je pose c’est plutôt : Comment tire-t-on parti au mieux de nos contraintes pour créer des expériences nouvelles ?
Si ce sont aujourd’hui surtout les modèles « mono-activité » qui ont réussi à financer leur développement, les signaux sont plutôt bons sur la création de nouveaux grands lieux de divertissement, multi-activité. Cela prend du temps mais ça arrive ! Je crois aussi beaucoup aux loisirs dans les opérations d’urbanisme transitoire, avec des initiatives à un instant T qui répond à un lieu en demande d’animation ponctuelle. C’est notamment le cas avec le Passage Enchanté et sa logique saisonnière par exemple.
Et puis il faut peut-être penser à de nouveaux publics. Quid d’expériences de qualité pour les enfants ou les seniors ? Le concept russe Hello Park a su créer un espace atypique dans ce paysage avec ses experiences phygitales !
Merci Vincent ! Très instructif cet échange pour avoir un état des lieux du loisir en France et ailleurs ! N’hésitez pas à suivre ses chroniques & publications pour suivre l’actualité du loisir urbain sur Funfaircity !
Le site de Funfaircity : https://funfaircity.wordpress.com/
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