Gaïactica est un jeu en grandeur nature sur le thème du changement climatique. Montez à bord de votre vaisseau du futur et prenez les bonnes décisions pour éviter de dépasser les 2°C d’ici la fin du siècle pour sauver notre planète !
Nous avons interviewé Dorian Tourin-Lebret, son créateur sur cette aventure pédagogique.
Bonjour Dorian, peux-tu nous présenter ton parcours ? Comment es-tu arrivé à l’immersif ?
J’ai une formation d’ingénieur, et j’ai toujours été passionné par la technologie, l’informatique. Ensuite, j’ai complété mon parcours avec une dimension entrepreneuriale. J’ai fondé l’entreprise Smart impulse pour aider les entreprises à mieux gérer les pertes d’énergie de leurs bâtiments. Au bout de dix ans, j’avais envie de reprendre l’aventure entrepreneuriale à partir de la page blanche.
J’ai mis un pied dans le ludique ! J’ai appris sur le tas, et j’ai créé un premier jeu de plateau, Supermaculture. Le jeu, c’est la meilleure façon pour moi pour transmettre de la connaissance ! J’ai pris beaucoup de plaisir à créer mon propre jeu et à y insuffler mon éthique : c’est un jeu coopératif – on avance ensemble, et pas les uns contre les autres – on noue des liens, etc.
J’ai ensuite approfondi ma formation sur la gamification et l’immersion avant de me lancer dans la création de Gaïactica.
Qu’est-ce que Gaïactica ?
C’est un jeu grandeur nature sur le changement climatique qui se trouve dans le musée Cap Sciences à Bordeaux, mais au-delà, c’est une agence de conception d’expériences immersives inspirantes. Nous concevons des escape games, des jeux de plateau, des jeux vidéo ou des expériences type serious game en entreprise.
Comment se passe une session de jeu à Gaïactica ?
Il est ouvert pour des groupes de 3 à 9 personnes. L’agent d’embarquement accueille les groupes et les briefe sur leur mission. Ils sont en 2100 et vont monter à bord du vaisseau pour remonter 100 ans en arrière. Ils ont un objectif chiffré : ne pas dépasser les 2°C ! Si on ne fait rien, on va arriver à 5°C de réchauffement… Dans le vaisseau, ils vont faire des bonds temporels en 5 séquences jusqu’à revenir en 2100. Ils voient au fil de l’aventure l’impact des décisions qu’ils prennent sur l’augmentation de la température. Il y a plus de 10 000 fins possibles !
Comment adaptez-vous le format Gaïactica en entreprise ?
Nous avons un format mobile : nous venons avec notre contenu audiovisuel et nos dispositifs numériques. Le game master est l’animateur qui incarne le capitaine du vaisseau, rôle qui n’existe pas dans la version à Cap Sciences. L’expérience peut ainsi accueillir entre 10 et 40 participants ! Il y a aussi des mini-films afin de maintenir l’immersion.
Notre expérience peut avoir plusieurs buts dans l’entreprise : teambuilding, sensibilisation auprès de comités de direction pour qu’ils s’interrogent sur le futur ou auprès des équipes dédiées au développement durable.
J’imagine que l’animation est aussi très différente ? Ce n’est pas la même approche d’avoir un lieu dans lequel les joueurs décident de venir VS avoir une activité imposée à des participants… Surtout sur un sujet politique comme celui-ci !
Oui tout à fait ! L’animateur a un rôle bien plus marqué que dans l’expérience à Cap Sciences. Il doit distiller l’information au bon rythme, maintenir l’immersion, et s’assurer que la dynamique d’équipe fonctionne bien. Souvent il y a des temps d’échanges après l’expérience. C’est là qu’on peut se retrouver face à des cas difficiles !
Notre approche consiste à susciter l’émerveillement ou l’étonnement pour éviter les débats d’idées dans lesquels certains participants vont camper sur leurs positions. Certaines personnes se sentent personnellement attaquées sur leurs pratiques, comme consommer de la viande ou prendre l’avion. On peut facilement se retrouver dans une discussion stérile, et ça ne fait rien avancer.
Nous donnons des chiffres très parlant, du type « chaque seconde c’est 250kg de plastique qui sont jetés » ou « la Terre produit chaque jour 15 tonnes de pétrole et nous en consommons 15 millions ». Cela permet de susciter l’étonnement, de faire poser des questions.
Nous ne disons surtout pas « ça c’est bien, ça c’est pas bien ». Si quelqu’un nous dit « moi j’aime la viande, je vais pas arrêter d’en manger », on lui demande celle qu’il aime. On explique par exemple qu’on s’est rendu compte que celle de bœuf émet trois fois plus de gaz à effet de serre que le mouton. Nous voulons faire réfléchir, pas attaquer les personnes. Pour nous, si les participants se braquent, ça ne changera rien. Alors nous préférons nous intéresser plutôt que d’essayer de convaincre et se faire accuser de lavage de cerveau !
Mais c’est un vrai travail d’animation difficile ! Je suis très fier de notre équipe d’animateurs, car ce n’était pas gagné.

Comment trouver le bon équilibre entre contenu pédagogique et amusement ? Qu’est ce qui fait une bonne expérience immersive pédagogique ?
Le premier point c’est de vérifier si c’est possible ! avant de me lancer dans la production, j’ai vérifié si c’était possible de créer une expérience cool tout en respectant une rigueur scientifique.
Ensuite, la leçon que j’ai tirée, c’est de faire en sorte que les personnes soient autonomes dans leur recherche d’informations. On leur donne un objectif, à eux de chercher les informations éparpillées, de construire leur stratégie. Là ils sont engagés et libres de se créer leur savoir. Si on pousse trop l’information, on revient dans une position d’élève passif.
Enfin, c’est de s’adapter à son public. Au départ, on voulait standardiser les informations qu’on donnait à la fin de chaque expérience pour faire le point, que ce soit en entreprise ou à Cap Sciences. Nous pensions gagner du temps ainsi. Mais ça ne marchait pas du tout ! Pour certains, c’était trop, pour d’autres, pas assez. Chaque groupe vient avec son niveau de connaissance et son envie d’aller plus loin.

Combien de temps cela t’a pris de créer Gaïactica ?
Entre la première esquisse et l’ouverture du lieu, un an. J’aime quand ça va vite ! Les 6 premiers mois étaient dédiés à l’étude scientifique et la validation des mécaniques, les 6 mois suivants à la recherche du lieu, le financement et la production à proprement parler.
On est content parce que ça fonctionnait vraiment bien : en septembre, il y a eu 1000 personnes, à la fois du grand public, des scolaires et des entreprises. Nous avons aussi vu que beaucoup de familles voulaient participer avec des enfants de moins de 12 ans, pour qui le jeu en l’état n’était pas adapté. Nous avons donc travaillé pendant Noël à une version ouverte aux plus jeunes, avec plus d’animations, d’illustrations, et en simplifiant nos mini-jeux. En un mois la nouvelle version était prête !
Pour la suite, nous aimerions pouvoir répliquer le jeu grandeur nature dans d’autres villes !
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