A New-York, Jesse Ayala, réalisateur du documentaire en réalité virtuelle Authentically Us, veut faire évoluer les mentalités et les lois concernant les personnes transgenres. Via Fovrth Studios, il crée des projets à forts impacts.
Qu’est-ce que Fovrth Studios ?
J.A : Il s’agit de créer des projets qui rassemblent des techs et des organisations à impact social. D’un côté, les entreprises comme Oculus cherchent à créer de nouveaux usages (autre que le gaming) ; de l’autre les ONG souhaitent trouver de nouveaux moyens pour se connecter à leur audience et atteindre un but précis !
Pourquoi avoir choisi la réalité virtuelle alors que finalement peu de personnes disposent d’un casque à la maison ?
J.A : Tout d’abord, la Réalité virtuelle est un outil incroyable. Vous captez 100% de l’attention d’une personne : elle ne peut pas regarder son téléphone, regarder autre chose que ce qui vous lui proposer. C’est donc un outil extrêmement puissant pour engager les gens.
Par ailleurs, comme vous l’avez dit, il est difficile très difficile de toucher des millions de personnes avec la réalité virtuelle : peu de personnes ont des casques, il y a peu de lieux de diffusion, les gens ne savent pas comment s’en servir, etc. C’est un medium qui nécessite de savoir pourquoi on l’utilise et pour des audiences et cas d’usages très spécifiques.
“it’s about quality and quantity !”
Jesse Ayala
Au final, chaque histoire a son medium. En fonction de l’histoire et de l’objectif, il est peut-être pertinent de s’orienter plutôt vers la réalité augmentée ou encore les hologrammes.
Avec Authentically US, vous touchez d’ailleurs une cible très petite mais capable de changer les règles du jeu pour les personnes transgenres ?
J.A : Tout à fait ! L’objectif initial était simplement de mettre la lumière sur les personnes transgenres.
Pour cela, on a tourné trois films en 360° pour mettre en lumière le quotidien de personnes transgenres, la pluralité de cette communauté (diversité géographique, diversité sociale, diversité politique, etc.) et surtout le fait que les transgenres sont des personnes comme les autres. Oui les personnes transgenres peuvent travailler, oui elles peuvent vivre n’importe et oui elles/ils ont en fait toujours existé.
Plutôt que de s’adresser à une audience très large, nous voulions nous adresser aux décideurs et aux législateurs. Ce sont en effet eux qui détiennent la clé pour faire avancer les lois. Et même avec un outil aussi puissant que la réalité virtuelle, il est très difficile de changer une personne farouchement opposée au contenu que vous lui proposez. Nous nous sommes donc adressés aux décideurs et aux législateurs qui avaient peu de prise de position sur le sujet pour les sensibiliser.
Par ailleurs, l’audience, très spécifique, nous a permis de définir le format. Une rencontre avec un politique c’est vingt minutes. Il s’agit donc de créer un dispositif mobile, d’une durée maximum de 10 minutes pour permettre ensuite 10 minutes d’échanges sur le sujet.
Nous avons priorisé la réalité virtuelle, avec Oculus Go, puisque cela permet de créer une rapidement une proximité avec un propos, en comptant sur une curiosité naturelle des politiques pour de nouvelles technologies. Pour certains c’était la première fois qu’ils essayaient un casque de réalité virtuelle ! Cela nous permet également de nous démarquer des autres efforts de défense des droits et des lobbyistes.. Et cela semble avoir fonctionné ! 😊
Pourquoi avoir choisi un point de vue à la troisième personne dans ce film ?
J.A : En adoptant un point de vue à la première personne, vous pouvez créer des sensations de rejets et d’inadéquation avec votre propre identité/mode de vie. Vous devez vous incarner dans un corps qui n’est pas le vôtre et vivre un quotidien différent. Cela peut fonctionner, mais le risque de rejet est important.
A la troisième personne, vous êtes un observateur et vous pouvez tout de même suivre de très près une personne comme si vous étiez à ses côtés. Cela vous rapproche tout en créant une distance suffisante pour prendre du recul. L’objectif est plutôt que le spectateur se sente proche de nos trois personnages comme s’ils étaient de simples voisins par exemple.
D’où viennent les financements pour ce type de créations ?
J.A : Oculus, via Oculus For Good, a financé la totalité du projet. Ils souhaitent d’une part diversifier leurs contenus pour toucher une nouvelle audience. D’autre part, c’est aussi une opportunité pour les utilisateurs existants d’avoir accès à des titres et expériences différentes en dehors du jeu.
“What is the audience you have and what is the audience you want to have ?”
Jesse Ayala
Justement, quand parviendrons-nous à démocratiser la réalité virtuelle ?
J.A : Probablement quand elle deviendra sociale. Quand on voit l’engagement des personnes dans les jeux de rôles ou des expériences comme Second Life, c’est certain qu’une incarnation plus réaliste de vous dans un univers virtuel peut définitivement avoir sa place. Le partage est clé. Nous sommes dans l’ère Instagram. Les gens veulent vivre des expériences mais veulent aussi et surtout les partager. Or pour le moment, il est difficile de le faire lors d’une expérience en Réalité Virtuelle. Cela viendra probablement.
Par ailleurs il faut aussi que les créateurs se réinventent et proposent du contenu nouveau. Si l’on prend l’exemple de la création de documentaire en réalité virtuelle, les films sont très souvent réalisés pour pointer des défaillances du système et créer une forme d’empathie. Mais ces expériences sont souvent tristes, effrayantes. Or les personnes veulent s’amuser et vivre aussi des moments heureux, il y a un manque de contenu optimiste et fun pour créer un engouement.
Merci à Jesse pour cet échange ! De notre coté cela nous laisse à penser qu’il reste encore un peu de temps avant que la réalité virtuelle ne se démocratise réellement. Il en ressort que pour le moment c’est un objet aux usages relativement limité. Beaucoup de personnes fondent de grands espoirs sur l’Occulus Quest… nous sommes curieux de savoir si c’est effectivement le messie tant attendue !
Pour en savoir plus sur Authentically Us cliquez ici et pour en savoir plus sur Jesse Ayala, c’est par ici !