Meow Wolf est un collectif qui bouscule nos imaginaires. Les espaces-œuvres conçus par ses membres, entre réalité et fiction, art et divertissement, passé et futur, sont difficilement descriptibles. Parce qu’ils transforment le familier, le connu, en l’étrange. Avec l’aide d’Emily Montoya, directrice artistique de Meow Wolf, nous avons décidé de franchir le portail de leur monde.

Bonjour Emily, pourriez-vous vous présenter ainsi que Meow Wolf ?
E.M : Je m’appelle Emily Montoya, et je suis l’une des-cofondatrices de Meow Wolf. Je suis également vice-présidente de la marque et directrice artistique de la partie épicerie d’Omega Mart (cf. la dernière création de Meow Wolf à Las Vegas – Area15) . Mon rôle est d’aider à traduire les murmures de cinquième dimension de l’égrégore qu’est Meow Wolf en mots et en images. Le tout dans l’idée d’être plus facilement appréciés par les habitants de cette dimension.
Quant à Meow Wolf, on peut dire qu’il s’agit d’une forme de pensée collective. Elle attire des personnes créatives pour l’aider à se manifester dans le monde matériel. On peut aussi dire que c’est une entreprise qui finance un projet artistique à impact social. Sa mission est de libérer la créativité dans la vie des gens.
Entre 2008 et aujourd’hui, Meow Wolf s’est largement transformé. A l’origine, Meow Wolf est un groupe de jeunes artistes de Santa Fe, qui alimente la scène locale en œuvres alternatives. Aujourd’hui, c’est un acteur majeur de l’industrie des expériences immersives. Comment expliquez vous un tel succès ?
E.M : Nous avons toujours été un groupe de créateurs d’art ambitieux complétement dédiés à ce que nous faisons. Au fil des ans, nous avons attiré de plus en plus de personnes aux fortes ambitions. Ces inspirations différente viennent faire grandir cette idée ! Meow Wolf se pense et se développe en interne de la même manière que nous pensons nos installations artistiques.
Comment pouvons-nous développer chaque aspect de cette chose et l’emmener aussi loin qu’elle veut aller ?
De plus, je pense que les gens ont vraiment envie d’expériences physiques et d’espaces où ils peuvent s’exprimer pleinement.

Quelle est votre définition personnelle d’une expérience immersive ?
E.M : Une expérience immersive est un environnement conçu pour submerger nos sens et nous donner l’occasion de sortir de nous-mêmes, de repenser notre propre potentiel, de redéfinir qui nous sommes et de revoir la façon dont nous nous engageons dans le monde par défaut
Ya-t-il quelque chose de spécial dans le processus créatif de Meow Wolf ?
E.M : Nous sommes toujours à la recherche de moyens d’utiliser notre pouvoir collectif pour penser de manière optimale à tous les aspects d’un projet. Notre objectif est d’insuffler à notre travail un maximum de créativité. Sous tous les angles et dans tous les domaines de spécialisation : de l’audio à la fabrication, du graphisme à l’expérience narrative.
Notre défi permanent est de maintenir l’équilibre entre la nécessité de nourrir l’art à mesure qu’il se développe organiquement et les besoins pratiques de sa mise en production. Nous ne nous contentons pas de créer des œuvres pour que d’autres personnes en fassent l’expérience.
Nous co-créons également nos propres expériences professionnelles significatives. Les objets que nous fabriquons sont tout aussi importants que la manière dont nous les fabriquons.
Comment faites-vous participer votre public à l’expérience : ont-ils un rôle spécifique, une quête à résoudre, ou un récit à suivre ?
Nous nous efforçons de donner à chaque visiteur un sentiment d’autonomie. Il est important que chacun puisse choisir son propre parcours dans l’exposition et décider de son propre niveau de participation au récit.
Les expositions sont conçues pour être tout aussi agréables pour une personne qui souhaite vivre une expérience onirique en flottant dans l’espace que pour une personne qui veut creuser l’histoire en profondeur et découvrir chaque indice. Certains éléments du récit sont relativement fixes, tandis que d’autres sont très ouverts à l’interprétation individuelle.
Nous aimons créer un cadre conceptuel autour de chaque expérience, en commençant par un environnement familier qui constitue ensuite une porte d'entrée dans le domaine de l'inconnu
Chaque visiteur apporte avec lui une multitude d’expériences personnelles et un état d’esprit inhérent à la narration. Lorsque vous avez l’impression de découvrir une histoire que vous vivez également et que vous co-créez activement, vous êtes imprégné d’un sentiment puissant et intemporel d’appartenance.

Alors que The House of Eternal Return est un monde fantastique purement dédié au divertissement, nous avons tendance à considérer Omega Mart comme une “satire” de notre société de consommation. Les deux semblent partager dans leur ADN une tentative de réinvention de nos imaginaires. Quelle est la signature de Meow Wolf pour chacun de ses mondes fantastiques ?
E.M : Tout d’abord, nous aimons créer un cadre conceptuel autour de chaque expérience. Nous commençons par un environnement familier qui constitue ensuite une porte d’entrée dans le domaine de l’inconnu. Ancrer l’expérience dans un espace qui présente un élément de familiarité brouille les limites de la réalité. Cela permet aux visiteurs de mieux percevoir la transition vers l’inconnu ! [NDLR La première pièce de la House of eternal return est une cuisine de maison, et celle d’Omega Mart un supermarché]
Un autre aspect intéressant du travail avec ce cadre reconnaissable est qu’il amène les gens à repenser leur relation avec les espaces familiers qu’ils côtoient tous les jours. En découvrant une maison ou une épicerie peut-être différente de leurs attentes, nous les invitons à se questionner : “alors comment puis-je être différent aussi” ?
House of Eternal Return est une histoire plus intime qui se concentre sur une seule famille. Elle utilise la structure familière d’une maison familiale comme une passerelle vers l’inconnu.
Voilà à quoi ressemble The House of Eternal Return !
Omega Mart s’adresse à un écosystème plus vaste. Il commence par un supermarché presque normal et explore ensuite les nombreux mondes et dimensions qui s’entrecroisent pour former sa chaîne d’approvisionnement.
Nous faisons la satire de la culture de consommation, mais nous essayons de le faire avec amour tout en reconnaissant notre place dans cette culture. Nous exploitons Omega Mart comme un vrai magasin avec plus de 100 produits personnalisés créés par des artistes. C’est une façons d’exploroer les moyens d’utiliser le format d’une épicerie pour offrir de nouvelles opportunités aux créateurs !
Le trailer de lancement d’Omega Mart – plutôt WTF non ?
Qu’est-ce qui vous inspire ? Cela peut-être un artiste, un designer, une tendance, un projet…
E.M : Je suis inspirée par la façon dont des artistes comme Refik Anadol expérimentent les algorithmes d’apprentissage automatique pour créer des visualisations incroyablement belles et immersives.

Pensez-vous qu’il est aujourd’hui nécessaire d’être un hybride pour se différencier et offrir des expériences émotionnelles toujours plus riches ? Nous pensons que les frontières n’ont plus de sens aujourd’hui, et que c’est un moment très excitant pour la création.
E.M : Je crois que nous sommes tous des hybrides dans l’âme. La notion de séparation et de spécialisation au nom d’une plus grande efficacité de production a pris une place prépondérante ces dernières années. Mais la vérité est que nous contenons tous des multitudes.
Nous abritons tous un collectif interne qui, d’une manière ou d’une autre, constitue ce que l’on peut définir comme un moi humain unique.Lorsque nous adoptons cette façon de penser, nous nous donnons la permission d’innover de nouvelles façons d’être et de nous engager dans le monde. C’est la façon la plus fidèles à notre vraie nature !
L’art, le divertissement et autre chose est une excellente façon de le dire :). Nous essayons toujours d’être davantage nous-mêmes en recherchant ce “quelque chose d’autre”.
Meow Wolf en 2025, à quoi ça ressemble ?
E.M : J’espère que nous continuerons à donner du pouvoir aux artistes émergents, que nous nous développerons de manière responsable et que nous serons en mesure d’offrir plus d’espaces et plus d’opportunités aux gens pour libérer la créativité dans leur vie. J’espère aussi que nous aurons des implants cybernétiques qui nous permettront de voir autant de couleurs que la crevette mante !
Si vous aviez trois conseils à partager aux créateur.ices d’expériences immersives. Quels seraient-ils ?
E.M : Ne vous focalisez pas uniquement sur ce que vous faites, mais pourquoi vous le faite
Soyez inclusif dans vos design, pensez à la manière dans les personnes vont expérimenter vos espaces
Mobilisez votre vision au service d’une œuvre, mais apprenez aussi à déconstruire vos propres a priori sur le résultat final. Il pourra devenir un tout autre objet lorsqu’il sera expérimenté par les autres !
Y a t-il une chance de voir un jour débarquer Meow Wolf en France ?
E.M : Nous adorerions faire quelque chose en France ! S’il y a des espaces vacants, ou des lieux cools, dites-le nous !
Ainsi, Meow Wolf continuera très probablement à repousser nos idées préconçues pour questionner ce que nous sommes et ce qui nous entoure. Merci à Emily Montoya d’avoir accepté ces échanges par mails interposés !
La culture est décidément en pleine effervescence et la covid-19 ne l’arrêtera pas ! Notre échange précédent avec Roeï Amit, directeur du numérique à la Réunion des Musées Nationaux, témoigne de l’ambition des acteurs culturels de s’engager dans le monde des expériences immersives.
LA NEWSLETTER
Toutes les deux semaines, nous décryptons les dernières actus immersives, du théâtre immersif jusqu’au nouveau parcours client en boutique
Ping : L’ACTU ! (Mai 2021) – Funfaircity