Après avoir testé la pièce immersive à distance Like real people do 2020, nous avons pu interviewer l’équipe ! L’expérience devait initialement avoir lieu en présentiel… Covid oblige, l’équipe a totalement renouvelé la pièce pour l’adapter sur Zoom, et le pari a été brillamment relevé !
Pour en savoir plus sur ce nouveau format, nous avons interviéwé avec Jordan et Kendra, les fondateurs de Linked Dance Theater , accompagnés de Rita et Nikie, deux danseurs qui travaillent avec la compagnie depuis plusieurs années présents dans le premier casting en ligne.
Nous vous conseillons de lire dans un premier temps notre article sur l’expérience si ce n’est pas déjà fait pour mieux comprendre l’interview
Quelle est l’origine de Like real people do 2020 ?
Kendra : Like real people do est une œuvre que nous reprenons et développons régulièrement. Notre première création était Like real people do 2015 ! Elle avait lieu à Manhattan, et c’était plutôt du théâtre / danse in situ, dans lequel les spectateurs avaient dans une position voyeuriste. Ils observaient l’évolution de la relation d’un couple sur une année, et se rendaient dans les lieux marquant de cette relation. Puis il y a eu une nouvelle version en 2017, dans laquelle nous avons inventé le Department of Manhattan Memory. En 2020, nous étions très contents parce que pour la première fois nous allions jouer en-dehors de New-York ! La pièce devait être présentée au Here Fest (anciennement Immersive Design Summit) à Pasadena fin mars.
Avec la pandémie, le festival a été reporté. Et nous avons dû totalement repenser l’expérience !

Comment avez-vous adapté Like real people do 2020 du présentiel à distance ?
Jordan : Avec beaucoup de changements !
Initialement, la pièce portait sur le couple, Luke et Leo. Nous sommes passés en ligne, et avoir un participant qui regarderait ces visios entre les deux protagoniste n’avait tout simplement pas de sens. Ca n’arriverait jamais dans la vraie vie ! Nous avons dû inventer un contexte dans lequel regarder ces discussions était pertinent. D’où l’idée de le faire dans un cadre professionnel (puisque nous passons nos journée en télétravail sur Zoom !) ,en tant qu’ “Archiviste de la mémoire” du Department of Manhattan Memory.
Dans cette version 2020, le participant incarne une jeune recrue au DOMM, qui doit être formé.e. Au fur et à mesure de la réécriture de l’histoire, le focus s’est déplacé du couple Luke-Leo à la relation entre Daphne et Cornelia.
Nous avons aussi développé cette thématique de la relation à distance, dont nous voulions parler, avec le contexte actuel. Avec le confinement, nous y sommes tous confronté.e.s, que ce soit pour les relations amoureuses, amicales, familiales…
Like real people do 2020 évoque de nombreux sujets : la mémoire, la transformation des souvenirs, mais aussi les relations à distance, l’amitié, l’absence… Comment avez-vous abordé ces différents niveaux de lecture ?
Kendra : On peut en effet trouver de nombreuses interprétations dans l’expérience ! Certains thèmes sont inhérents à la série Like real people do, notamment l’évolution des relations amoureuses, les souvenirs, leur ancrage dans les objets et les lieux, leur altération…
Mais de nombreux autres thèmes ont émergé au fil des répétitions avec le public. Chacun de nos beta-testeur a apporté une nouvelle dimension ! Nous continuons d’éditer le script, c’est un travail permanent.
Rita : Il y a de nombreuses facettes dans cette histoire, et chaque participant peut y trouver un sujet qui va plus lui parler : que ce soit la relation à distance entre Luke et Leo, l’amitié entre Daphne et Cornelia, la partie plus réaliste, analytique sur les souvenirs ou le surnaturel du DOMM…

Vous avez créé une œuvre à distance sous la contrainte, quel est votre regard à ce sujet maintenant ?
Jordan : Vaste question !
En tant que producteur, il y a un premier constat : c’est beaucoup moins cher à créer ! Dans une création immersive, les coûts majeurs vont être le design spatial (le lieu, les décors, les costumes, les accessoires) et le temps des artistes lors de la conception et des répétitions.
En ce qui concerne le design spatial, en ligne il se réduit à l’écran ! Un abonnement zoom coûte beaucoup moins cher. Pour les costumes et accessoires, nous avons pas mal réutilisé des éléments des anciennes créations ! C’était aussi des easter eggs pour ceux qui nous suivent depuis un moment. En ce qui concerne les vidéos, j’ai tout fait moi-même, en apprenant sur le tas. Pour ce qui est du temps des artistes… Pendant le confinement c’est bien une ressource qu’on a à foison !
Donc en fin de compte, même si la jauge est bien plus restreinte que pour nos créations physiques, nous réussissons à avoir un revenu, à payer décemment les actrices, et nous en sommes très fiers.
Nicky : pour ce qui est des participants, les œuvres immersives à distance sont aussi plus accessibles dans le sens « moins impressionnantes ». On se sent plus en sécurité derrière son ordinateur, de chez soi, en tête à tête avec un personnage qu’avec une centaine d’inconnus dans une pièce comme Sleep no more !
Rita : et en tant qu’actrice derrière l’écran, une fois qu’on a la bonne maitrise des outils, c’est plus flexible ! Dans une pièce immersive, tout est très timé, tout le monde doit être synchronisé, au bon endroit au bon moment. Dans Like real people 2020, nous sommes en 1-o-1 avec chaque participant. S’il y a un souci, on peut toujours dire que c’est à cause de la technique ! Ensuite, on a beaucoup plus de latitude pour s’adapter à chaque participant et aller à son rythme.

Comment s’est passé le processus de création à distance ?
Nicky : pour le tourner positivement : par une bonne courbe d’apprentissage ! Il a fallu apprendre à communiquer de manière fluide sur zoom. Comme maintenant par exemple, on se coupe un peu la parole entre nous à cause du temps latence de la connexion… ce n’est pas très naturel, mais à force, on trouve ses repères.
Et par exemple, avec Rita, nous nous sommes toujours « croisés » dans les créations de Linked Dance Theater. C’est la première fois que nous travaillons ensemble, nous ne nous sommes jamais vus en vrai. Pourtant je me sens très proche d’elle !
Pour vivre Like real people do 2020, il faut se connecter sur zoom 4 fois par semaine pendant environ 30mn à heure fixe… Est-ce que ce format n’est pas trop contraignant ?
Kendra : Oui et non ! Le nombre de participants pour l’expérience est très réduit (5 par semaine), nous n’avons pas de mal à remplir nos dates.
Par ailleurs, initialement, les participants pouvaient choisir de participer à la première session, puis pouvaient continuer ou s’arrêter là. Sauf que concrètement, tout le monde s’inscrivait pour vivre les épisodes suivants ! Nous avons décidé de tout simplifier avec une réservation pour les 4 créneaux à heure fixe dans la même semaine. Les billets sont mis en vente suffisamment en avance pour que les participants puissent s’organiser. En temps normal, pouvoir se libérer à heure fixe en fin de journée plusieurs fois pourrait être compliqué. Mais comme nous sommes en confinement… Ca se fait plutôt facilement !
Jordan : Nous avons aussi pensé l’expérience pour qu’elle soit une bulle de réconfort dans la journée des participants. On sait que tout le monde passe déjà énormément de temps sur zoom toute la journée, donc on limite à 40mn grand maximum ; on fait en sorte qu’il y ait une bonne alternance entre interaction avec les actrices et du temps plus passif de visionnage.
Il y a eu en quelques mois énormément de créations immersives en ligne… Est-ce qu’il y a déjà un partage de pratiques qui se fait entre créateurs ?
Kendra : Pour le moment non, tout cela est encore très récent. Mais tout le monde expérimente, et nous testons les différentes créations ! On voit ce qui marche et ce qui marche moins. Par exemple nous avons beaucoup aimé Telelibrary, Jury Duty ou the Ministry of mundane mysteries, et Candle House Collective bien sûr fait ça depuis très longtemps.

Pour finir, qu’est-ce qui a été le plus difficile et le plus cool dans la création à distance ?
Kendra : le plus dur, ça a été d’apprendre à travailler ensemble pour la création sur Zoom ! Et le côté sympa, ça reste les moments d’interaction avec le public.
Rita : le plus délicat était d’apprendre toute la manipulation technique des outils. Comme je suis seule derrière l’écran, je dois tout gérer : le son, le partage d’écran, le lancement des vidéos… et que le participant n’y voie que du feu !
Et le plus cool, c’est de pouvoir jouer… Tous les théâtres sont fermés, je suis vraiment heureuse d’avoir cette possibilité là !
Nicky : Pour moi passer les journées sur zoom était à la fois le plus fatigant, et en même temps c’est ce qui nous permettait de garder du lien social !
Jordan : Je trouve que l’atmosphère générale autour de la pandémie était très anxiogène, surtout au début. Nous sommes toujours dans une situation de crise, mais en un sens c’est devenu notre quotidien… Et le téléscopage entre les différents emplois est également difficile ! Nous avons tous un travail à côté de celui de la création. Avec le télétravail généralisé, il n’y a plus de séparation entre ces différentes casquettes.
Et l’aspect cool, c’est d’aller au-delà de sa zone de confort, de tester de nouvelles choses et de parvenir à créer une pièce dont on est réellement fiers !
Merci encore à toute l’équipe de Linked Dance theater ! L’expérience Like real people do 2020 est encore disponible ici
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